🌈 La vue
Le thé propose un extraordinaire nuancier de couleurs. Mais rassurez-vous, tout ceci est simple. On l’a vu, la différence entre thé vert et thé noir — appelé thé rouge en Chine — est liée à l’oxydation des feuilles. Le thé sombre, c’est celui qui a voyagé, le thé des nomades. Le thé vert, plus fragile, est un thé sédentaire. Le thé matcha japonais brille d’un magnifique vert émeraude. Le thé bleu des Kazakhs, c’est le thé vert des Français. Le thé bleu des Français, c’est le thé oolong des Chinois. Il y a aussi des thés blancs, des thés jaunes… Le contexte de dégustation est important : la couleur de votre tasse et la lumière du jour changent la couleur de votre thé. Enfin, contrairement à une idée reçue, la couleur du thé ne préjuge en rien de la force de son goût. Les industriels du sachet — ces petits filous — usent de colorants pour donner l’illusion d’un thé plus savoureux à l’infusion.
💦 L’ouïe
Le thé est une symphonie musicale. Le murmure de la source (ou du robinet) où l’on va puiser l’eau, la vapeur qui fait siffler la bouilloire, le tintement de la vaisselle, le glouglou de l’eau versée dans la tasse. Dans sa « Cérémonie du thé », l’autrice Noriko Morishita va plus loin : « L’eau chaude avait coulé avec une sonorité douce, suave. L’eau froide, elle, provoqua une résonance plus dure, cristalline ». Là encore, le contexte de la dégustation est important. Que l’on soit assis dans une bambouseraie caressée par le vent ou au milieu des conversations joyeuses d’une maison de thé iranienne.
♨️ L’odorat
Au Japon, l’un des premiers gestes lors d’une dégustation de thé est de sentir l’intérieur du couvercle pour saisir ses parfums fragiles. Il existe des « tasses à sentir » aux parois étroites, où l’on verse le thé pour le humer avant de le transvaser et le boire dans la « tasse à goûter ». En Chine, pour mieux retenir les arômes, le revêtement intérieur de certaines théières est fabriqué avec de l’argile poreuse du fleuve Yangtsé. Elles portent un nom merveilleux : les « théières à mémoire ».
🖐 Le toucher
Tout commence dans la bouche, sur le palais et la langue. Comme pour le vin, on dira d’un thé qu’il a du corps, qu’il est charpenté, rond en bouche ou soyeux. Au Japon, rappelle Noriko Morishita, on emploie les expressions « malaxer » ou « pétrir » le thé, tant le breuvage peut être épais. Et rugueux : comme le vin, le thé provoque l’astringence, une légère sécheresse à l’intérieur des joues et des lèvres. Une fois bu, on n’oubliera pas la délicieuse chaleur du liquide qui parcourt votre œsophage, et vous apaise. Le thé, c’est une belle manière de se reconnecter à son corps.
👅 Le goût
Alors, votre thé, il a quel goût ? Un mélange de saveurs épinard et artichaut, avec un peu musc et de cuir, pour finir par quelques notes de sous-bois et de noisette grillée ? Pas facile de décrire les mille nuances du thé. Chacun puisera dans sa culture pour essayer d’en décrire l’essence. Il existe cependant un goût que nos palais européens peinent à reconnaître : l’umami. Peu connu, l’umami est pourtant l’une des saveurs de base reconnues, avec le salé, l’acide, l’amer et le sucré. L’umami se traduit par « goût savoureux » et désigne la capacité d’un aliment à être un exhausteur de goût, à avoir de la saveur et une certaine longueur en bouche. Bref, à provoquer du plaisir. L’umami est notamment déclenché par une forte teneur en glutamate, un acide aminé et un neurotransmetteur… dont le thé regorge.
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